Passeports Photographiques
"Paysages - sur de fins brouillards sans limites une clarté vacille dans l’interrogation. Un temps suspendu verse ses gouttes de lumières. Les regrets aériens de bleus et de mauves voilent l’ouvert de l’espace. Le gris du Greco, bruissant, n’est jamais loin. Les bornes sont évanouies. Laisser couler le ciel, la mer en soi. Dos - malgré les scarifications des fonds, l’offrande est d’autant plus nue. Un corps fait l’espace. Et la rose, en sa dolence, est équilibre. Et toujours, lumières et couleurs tendues à nos yeux comme un bol de lait chaud. Un parfum de lumière. La pensée mène alors une vie et l’œil, une autre.
Dès les premiers contacts avec le travail de Baghir, une conviction aussi puissante que douce nous atteint. Un choc qui ne résulte d’aucun procédé bruyant. Quelque chose d’intime à nos sens : de l’eau à nos racines pour les gorger de toutes les enfances du regard.
Pour qui connait déjà ses précédentes œuvres, il sera aisé de discerner les liens qui assurent la continuité entre l’œuvre poétique des Perturbations numériques et l’œuvre picturale des Passeports Photographiques. La rétine de Baghir compose en appogiatures persistantes, élégantes, ténues. Nous voyons comme à travers les replis d’une paupière qui serait devenue libre toile. L’air y est teint d’azurs, d’humidité. Rien ne tache la lumière. L’air se fait un bain de couleurs. Tendresses chromatiques. Silence attendant d’être rompu. Patience du photographe envers l’instant, sans nul repentir de peintre. Juste des cicatrices encielées.
Passeports enfin, pour que jamais la nuit d’une paupière ne s’abaisse autrement qu’en épiphanies. Faire place nette, sans délai, pour le seul amour de ce frémissement de source et de hasards qui nous fuit. En des matins charnels, les modèles du photographe sont les officiantes, à leur insu, de cette grâce. Baghir n’a jamais fini de solliciter l’expérience visuelle. La sienne, virtuose, préfigure ce que nous persistons à attendre, ce que nous voudrions apprendre à recevoir. En ce monde devenu difficilement habitable, l’œuvre photographique de Baghir patiente à la fenêtre comme Le géographe de Vermeer : Laisser le monde naitre à nouveau, trop de regards l’assaillent."
Martine Jobbé Duval
Variations 2.18
La vision continue de prendre corps hors série, dans un flux de perturbations numériques, expression de la beauté picturale, hommage à la peinture et à la photographie qui explore la terra incognita d'un monde photographique onirique. Films argentiques 35mm, tirages à l'agrandisseur. La nonne intention doit rester pure pour maintenir le processus de cette création évolutive. Passer de 0 à 1 (Visions I, II, III et IV, 2013-2016), puis de 1 à 2 (Variations 2.18, 2017-2018), bientôt au delà (Expressions 40, 2019-2021) et plus encore dans un futur proche. Jusqu'à 9. Pas plus loin. En même temps que j’ai quitté les arbres solitaires de la plaine pour pénétrer la forêt, ces Variations
2.18 viennent rompre le cycle du seul noir et blanc,. La démarche est binaire, numérique. Primaire aussi. Pure comme le silence d'un jeu d'enfant. Ouvrir grand les yeux sur une lumière colorée, puis les fermer fort, longtemps, et chercher des couleurs surnaturelles aux formes inédites projetées sur l'écran rétinien. Prévisions perturbées.
Salutaires aussi. Ne plus avoir peur de la forêt. Quitter la robe de rat des villes pour gagner celle plus noble de rat des champs. Même pour quelques heures seulement. La ligne d'horizon seule s'est brisée pour aller vers des croisements verticaux dans les arbres et leurs hauteurs horizontales, inspiration utopique des villes 2.0. Le grand pari est il de continuer à fermer les yeux et de refuser l'idée que l'erreur est urbaine ? Je vais continuer de fermer les yeux pour mieux voir cette réalité augmentée à la recherche de rêves éveillés. Fumer les cauchemars. Cette histoire s'écrit dans le silence et se lit sur la durée.
Perturbations numériques argentiques
Nées d’expériences qui donnent à ses photos une impression de dessin ou de peinture, les perturbations numériques de Baghir sont avant tout une recherche sur la beauté picturale, un hommage rendu à la peinture autant qu’à la photographie noir et blanc. Il a fallu de l’imagination, quatre années de recherche et 15.000 photos à l’artiste pour faire aboutir son travail là où il voulait l’emmener. Il avait une vision en tête qu’il a réussi à transposer à force d’obstination.
Ses perturbations numériques n’ont de numérique que leur nom car il s’agit en fait de photographies argentiques tirées à l’agrandisseur, et non retouchées. Si Baghir a choisi de les nommer par des chiffres (perturbations numériques), plutôt que par des noms de lieux ou d’objet, c'est pour maintenir le regard du spectateur dans une liberté de lecture maximale, et lui permettre ainsi de créer sa propre vision.
Untitled b&w